mercredi 19 novembre 2014

Gaya, Thifyour, Taziri: La reconquête de notre identité passe aussi par les prénoms de nos enfants.


Gaya, Thifyour, Taziri: La reconquête de notre identité passe aussi par les prénoms de nos enfants.

Le tribunal administratif de Batna a rendu son verdict dans l’affaire du bébé Gaya Ouchen, après un calvaire judiciaire de 15 mois, les parents sont enfin libres (!) d’inscrire à l’état civil le prénom qu’ils ont choisi pour leur fils.

Nous saluons cette décision, qui pour une fois, va dans le sens de la reconquête de notre identité, ici, en terre Chawi.

Nous nous inclinons devant le courage et la détermination d’un père et d’une mère, d’une famille qui n’a jamais courbé l’échine et a su rester debout, malgré tout, malgré les calomnies, la pression, les insultes et l’indifférence : «Mauvais musulman», «prénom haram», «prénom étranger» (sic).

Est-ce que la famille Ouchen a porté atteinte à la sureté de l’Etat ? Est-ce que ce père et cette mère ont élaboré dans leur coin une attaque terroriste ou ourdi un complot pour déstabiliser toute la région ?

Non, la famille Ouchen a tout simplement voulu donner à leur fils un prénom authentique, un prénom issu de notre terre depuis la nuit des temps, un prénom qui ne vient pas de l’étranger : Gaya, roi des Massyles et père de Massinissa, notre père à tous.

Nous saluons ici la ténacité de maitre Kouceila Zerguine, qui à mené le combat sur le plan judiciaire, jusqu’au bout, et surtout jusqu'à la victoire, contre une administration colonisée, servile et arrogante. Hommage à lui, nos ancêtres reconnaissants.

Nous saluons également le journaliste Jugurtha Hanachi (Le Matin DZ), et le blog Amraw n-Wamir qui ont su faire vivre cette affaire médiatiquement.

Nous saluons aussi les citoyens chawis qui se sont intéressé à ces «affaires » de prénoms autochtones.

Mais le combat n’est pas terminé.

Thaziri un autre prénom chawi est en instance d'attribution (resic) dans une ville au sud du Pays Chawi : Touggourt ! Un comble sachant que le nom de cette ville est un mot chawi !

Et à Tkukt, une famille c’est vue demander par les fonctionnaires de l’état civil une autorisation du procureur de la république pour pouvoir donner un prénom autochtone à leur fille: «Thifyour », Belle Lune, mais grâce à la mobilisation de la famille et des citoyens l'administration a plié.

Quelle serait la réponse d'une administration algérienne si des parents voulaient donner un prénom vraiment identitaire "Chawi" ou "Chawia " à leurs enfants ? Que feraient nos compatriotes chawis dans ce cas précis ?

Ces affaires, qui ne seront surement pas les dernières, nous montrent une chose: la lutte pour la sauvegarde et la transmission de notre identité est aussi un combat que nous devons mener à chaque instant, individuellement, au sein de notre propre famille, chez nos amis et nos voisins. Les barrières et les geôliers ne viennent pas d’ailleurs, malheureusement la quasi totalité de ces fonctionnaires sont chawis .

C’est un combat qui se joue aussi dans l’intimité, parce que nous sommes nos propres ennemis, nous devons décoloniser notre imaginaire, notre perception du présent et de l’avenir ; et cela commence par les prénoms que nous donnons à nos filles et à nos fils ; mais aussi de la manière dont nous nommons nos lieux, nos villages et nos villes, ainsi que la résurgence de nos fêtes millénaires qui sombrent dans l’oubli ou la folklorisation.

Nos enfants ne doivent plus porter les noms des envahisseurs arabes, c’est faire offense à ceux, parmi nos ancêtres, qui les ont combattu et qui en sont morts.

Nos enfants ne doivent plus porter de prénoms étrangers, c’est faire offense à notre identité première, qui malgré les fracas de l’histoire reste encore présente.

Nous devons soutenir fièrement les regards inquisiteurs de notre entourage, comme les parents du jeune Gaya l’on surement fait.

Etre Chawi ne doit plus être une simple appartenance tribale et régionale, mais une manière de vivre et d’habiter le temps et l’histoire.

Nous sommes chawis et on vous emmerde.



Pour une chronologie de l'affaire et plus de détail:

Interview du père de Gaya par le blog Amraw n'wamrir:


Article du Journaliste Jugurtha Hanachi dans le Matin Dz:

"L'affaire Gaya, enfin la délivrance"


"Affaire du bébé Gaya, le tribunal d'Arris se déclare incompétant"

http://www.lematindz.net/news/12969-affaire-du-bebe-gaya-le-tribunal-darris-se-declare-incompetent.html